Combien de Duesenberg, Isotta Fraschini, Hispano-Suiza, Bizzarrini ont nourri les fantasmes des amateurs d’automobile le temps d’un salon, avant de rejoindre les oubliettes de l’histoire.
Parfois, quand le projet n’est pas le fait d’un aventurier isolé, la promenade peut durer un peu plus longtemps.
Ainsi, Mercedes n’a pas hésité, lorsqu’il a fallu aller chercher
les clients du prestige automobile chez ses compatriotes Rolls Royce et
Bentley, à jouer la carte du nationalisme, de la nostalgie, en relevant
un nom issu de son propre patrimoine. Les contrôleurs de gestion ont
noté avec satisfaction que cela permettait aussi de s’épargner l’achat
d’une marque à l’extérieur, avec toutes les difficultés que cela
comporte, les bisbilles entre BMW et VW pour se partager les fleurons de
l’empire britannique étant encore dans toutes les mémoires à ce
moment-là…
Pour ceux qui ne sont pas historiens de l’automobile, précisons que Wilhelm Marbach (dit «Willy») a été d’abord le troisième larron associé à Karl Benz et Gottlieb Daimler au début de leur aventure… avant de prendre son indépendance et de fonder sa propre marque. Celle-ci connut son apogée aux plus grandes heures du IIIème Reich, avant de disparaître dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Bref, tout ceci sentait la naphtaline, et surtout, la notoriété de la marque au-delà du Rhin et du Danube restait anecdotique.
Ceci nous est expliqué par Dieter Sauerkraut, le chef de projet à l’époque.
«Nous, chez Benz, on a toujours été plus malins que les autres. Ils
vont acheter une marque chez les rosbifs, on en prend une à nous ! Ils
vont construire des usines dédiées pour sortir dix modèles par an, nous,
on a demandé à AMG de nous débarrasser un coin pour les fabriquer là !
Ils ont développé des plate-formes spécifiques, nous, on a juste allongé
notre classe S ! Ils ont créé des réseaux spécialement pour leurs
marques de prestige, nous, on démocratise le luxe entre une classe A et un
Vito !
- Tout ça, c’est très bien, mais que disait le marketing ?
- C’est allemand, ça se vendra !
- Et pour l‘esthétique ?
- Tout le monde sait que les riches ont un goût de chiotte ! Alors on a
mis une grosse calandre chromée, des phares bizarres, une peinture
bicolore…
- Ca, c‘est pour affiner la ligne, non ?
- Aussi. Mais vous remarquerez qu‘on avait de l‘avance sur la Lancia
Ypsilon et la DS3 dans ce domaine. Par contre, nos concurrentes
rachitiques n‘ont pas un fauteuil de dentiste à l‘arrière.
- Oui, c‘est vrai, pourquoi avez-vous mis ça là ?
- Au départ, pour voir si ça rentrait. Et il s‘avère que oui. Du coup,
on l‘a laissé.»
Au bout de quelques années, alors que les équipes du marketing jouaient à la belote en attendant une idée pour relancer la marque, un renfort inattendu leur parvint de l’autre côté de l’atlantique. Les rappeurs Rick Ross et Jay-Z s’entichèrent de la marque, au point de donner son nom à plusieurs chansons, et même à un label de disques ! Ceci a permis de montrer dans les clips plus de modèles Maybach qu’on en voyait dans les rues à ce moment-là.
Au moment de renouveler le modèle, un sondage auprès de la dizaine
de clients de la marque devait permettre de fixer la tendance pour
l’avenir, mais les nostalgiques de l’Empire de Mille Ans, les dentistes
à la retraite et les rappeurs n’arrivaient pas à se mettre d’accord.
Un rapprochement avec Aston Martin fut tenté. En effet, le projet
Lagonda avait été jugé assez monstrueux pour recevoir une calandre
chromée surmontée d’un double M.
Mais finalement, les comptables ont eu, comme bien souvent en période de crise, le dernier mot. Et l’aventure se terminera le temps d’écouler les quelques dizaines d’exemplaires en stock, en 2013, ou 2014, ou quand on pourra.