CATALOGUES NUMERO 19 – JUILLET 2010 CLOU MAGAZINE TOYOTA HIACE

CLOU – MAGAZINE

NUMERO 19 – JUILLET 2010
PAGE 4

AVENTURES SUR QUATRE ROUES

Cette rubrique "Aventures sur Quatre Roues" vous est ouverte (les autres aussi d’ailleurs…). Si vous avez vécu une aventure liée à l’automobile, amusante, cocasse, ou instructive, que vous aimeriez la faire partager et, ô comble de bonheur, que vous pouvez l’illustrer par des photos (Bon, si vous n’en avez pas, mais que le texte est bien, on se débrouillera)… alors vous pourrez être le héros d’Aventures sur Quatre Roues. Toute proposition peut être envoyée à l’adresse e-mail en bas de page… et le comité de rédaction statuera souverainement sur la publication dans ces pages.

Pour débuter, je vais m’y coller.J’espère que cela vous amusera et vous inspirera, carj’aimerais bien que cette rubrique soit la plus fournie de Clou-Magazine !

DEMENAGEMENT NOCTURNE EN TOYOTA HIACE
(ou "Barbapoux Saison 1")

L histoire se situe dans la deuxième moitié des années 80. Je venais de trouver un travail à côté de Rouen, mon précédent boulot (à Paris) s’étant terminé quelques semaines avant,j’avais rapatrié mon modeste mobilier chez mes parents, à Troyes, célèbre ville qui a vu éclore bon nombre de talents dans ces années-là : Jean-Marie Bigard, Raphaël Mezrahi… et celui, plus discret et moins célèbre, que je désignerai sous le sobriquet de "Barbapoux".

Ainsi, ceux qui le connaissent déjà le reconnaîtront sans peine, et les autres n’ont pas besoin de le connaître sous son vrai nom… En particulier ses ennemis acharnés, à savoir la C.I.A., les Renseignements Généraux, la Mafia etj’en oublie sans doute. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Ayant exercé la plupart des métiers sans jamais s’attacher à un seul, Barbapoux, dont l’aspect évoquait un Raspoutine qui, touché par la grâce, serait devenu gentil et serviable, avait souvent un avis péremptoire sur bon nombre de sujets, et surtout, ce qui nous intéresse ici, disposait de beaucoup de temps libre et d’ un véhicule en état de marche. 

La négociation fut rondement menée : le prix du transport se limitait aux frais d’essence, à l’hébergement et à la nourriture du conducteur. C’est tout ? Ah non, une petite chose : donner un coup de main pour vider le véhicule qui était rempli. Pas de problème ! Bon, on verra plus tard en quoi consiste cette petite formalité.

Le véhicule était un Hi Ace du même modèle qu’illustré ci-contre, mais qui disposait en plus d’une rehausse de toit en polyester, de flancs en faux bois dissimulant des nids de rouille, et deux trompes chromées de klaxon au-dessus de l’habitacle (nous en verrons l’utilité).

En entrant, la première chose qui frappe, c’est la portière qui ne tient pas ensemble (l intérieur et l’extérieur se séparent !). Barbapoux me prévient : "Si en roulant tu entends un déclic dans la portière, c’est la fermeture qui s’est déverrouillée, et donc la porte risque de s’ouvrir toute seule. Il faut donc tout de suite la claquer." Effectivement, cet avertissement n’était pas vain puisque ce déverrouillage intempestif s’est produit à deux reprises lors du voyage.

Toyota Hi Ace 1973 : En général, c’est solide…  
Une fois avisé que la portière pouvait s’ouvrir à tout instant, que l’on se retrouve assis sur une sorte de pouf en skaï glissant qui tient lieu de siège, que l’on apprend qu’il n’y a pas de ceintures de sécurité (pas obligatoires sur les utilitaires à ce moment là), on ne peut que se raccrocher à ce qui existe, c’est à dire une pauvre pièce de plastique fixée par deux vis en haut du pare-brise, appelée "poignée de maintien". Cet objet est tellement précieux et vital qu’il devient très difficile de desserrer les doigts du passager après une centaine de kilomètres, et bien souvent, à l’arrivée ,le pauvre homme doit emporter la poignée avec lui (heureusement, elle se désolidarise assez facilement du véhicule).

Cette position instable pourrait à la rigueur être supportable si les malheureux occupants ne se trouvaient pas directement dans le nez du véhicule, les deux pieds à quelques centimètres du pare-chocs… et si l’engin freinait à peu près correctement. Mais Barbapoux avait sa méthode : l’"anticipation", à savoir utiliser le frein moteur pour ne pas avoir à user les garnitures. Et pourquoi cela ? Eh bien, comment dire cela… il y a quelques bulles dans le circuit hydraulique ! Donc un freinage d’urgence se décompose en deux mouvements : premièrement un pompage effréné et désespéré pour obtenir une réponse du système de freins, et deuxièmement, quand celui-ci répond, un blocage soudain des roues avant, assorti d’un cabrage brutal de la fourgonnette, et d’un fort bruyant transfert de masse du chargement qui peut même, les jours de chance, faire irruption dans la cabine !

Avant d’entreprendre le déménagement proprement dit, il restait à vider le Toyota. Et là, surprise, le véhicule était rempli de vieilles planches, de pierres et de gravats divers. Barbapoux expliqua benoîtement : "Voilà, je suis allé monter un mur chez un copain. Pour me remercier, il m’a permis d’emporter tout ça. On va mettre tous ces matériaux dans ma grange. Ce n’est pas loin, juste une trentaine de kilomètres (C est à dire, en Toyota, une heure)".

Une fois atteint le village, Barbapoux coupa le contact et descendit en roue libre la rue "à cause des voisins. S’ils m’entendent, ils vont arriver pour faire des commentaires".
Nous nous arrêtons devant un amas de ruines qui avait été effectivement, une grange un jour. Un vague grillage de chantier en défend l’accès.
Malgré notre arrivée silencieuse, certains villageois vinrent à notre rencontre, et, narquois devant le dépotoir, questionnaient "alors, les travaux, ça avance ?". Stoïques face à l’ouvrage, nous déchargeâmes consciencieusement la fourgonnette, ajoutant un petite touche supplémentaire au désordre ambiant.

Une grange en parfait état (Penser à balayer un peu
à l’occasion)
 
Cette petite expédition ayant entamé largement notre après-midi, le planning du déménagement avait commencé son long dérapage.

Alors que nous avions initialement prévu de partir en fin d’après-midi pour arriver dans la soirée, le départ s’effectuait finalement après dîner… donc vers 22 h 00, fourgonnette remplie, plein fait.
Pour ceux qui connaissent bien le coin, Troyes – Rouen, via Paris, par la nationale 19 et l’A13, cela donne un peu moins de trois heures de route. Alors comment expliquer que nous ne sommes arrivés à Paris qu’à une heure du matin ?

Tout d’abord, après avoir quitté les faubourgs troyens, mon conducteur prit un air mystérieux et me dit "Je suis sûr que tu ne connais pas ce raccourci ! En plus, par là il n’y a jamais de flics !". Effectivement, je ne connaissais pas ce raccourci. Et depuis, je l’ai soigneusement oublié. Et effectivement, il n’y avait pas de flics non plus, mais c’est parce qu’il n’y avait personne, en fait. Pas de voitures, pas de panneaux indicateurs, le désert total. Bien évidemment, je n’avais pas pris de carte, mais cela aurait-il servi à quelque chose ? Les routes que nous avons prises étaient-elles seulement répertoriées ?

A un moment donné, Barbapoux éteignit les phares. Devant mon étonnement (mon effarement ?), il expliqua avec sérénité : "Nous sommes observés par des satellites en permanence. Dans la journée, nous ne pouvons échapper à leurs caméras, mais la nuit, il suffit de couper la lumière pendant quelques minutes, et paf, ils perdent la trace. C’est malin, non ?" Imparable. 

Au cours de la nuit qui fut du coup fort longue,j’eus droit à un exposé sur diverses théories conspirationnistes dontj’avoue humblement ne pas avoir tout retenu. La radio étant hors d’usage, nous n’avions pas trop le choix, question distractions !

Arrivés dans la région parisienne, dans je ne sais quelle banlieue, Barbapoux s’adresse à moi "Tiens, ici,j’ai un pote que je n’ai pas vu depuis deux ans. Si on passait chez lui ?". Je ne brillais pas d’enthousiasme, il était plus d’une heure du matin !… C’est un peu limite pour s’inviter chez les gens. Il balaya mes réticences : "Tu sais, les gens qui me connaissent savent que je peux arriver à n’importe quelle heure… et souvent la nuit".
Nous nous garons au milieu d’un ensemble de tours. Petit problème : mon chauffeur ne se souvient plus dans laquelle loge son copain. Mais c’est l’homme des solutions pratiques, et il se met à klaxonner jusqu à ce qu’une fenêtre s’ouvre.  
Et miracle, la première lumière qui s’allume est la bonne ! C’est son ami (et sa mère chez qui il loge) qui nous font signe. 

C est sombre une route la nuit (sans phares)  
Nous montons et passons une petite heure dans l’appartement, en papotant tout en sirotant une sorte de café "maison" aux étonnantes vertus diurétiques.
Mais le devoir nous appelle, et il nous faut reprendre la route… ou plutôt l’autoroute, malgré les protestations de Barbapoux, qui considère le péage de quinze francs comme une dépense superflue. Mais en tant que commanditaire de l’expédition,j’ai le dernier mot. Le but de ce choix n’étant pas trop de gagner du temps avec un véhicule qui ne dépassait pas soixante kilomètres-heure, mais surtout de garantir que le trajet serait respecté sans détour possible.
C’est à la lueur d’une aube rôsissante que nous abordâmes le but de notre voyage, et après avoir extirpé deux matelas du véhicule, nous les jetâmes à même le sol de l’appartement… remettant à la fin de la matinée le soin de déménager le reste, une fois récupéré notre quota d’heures de sommeil.

Alors, finalement, que peut-on en conclure quant au Toyota Hiace ? Il n’avance pas vite, il fume, il n’est ni confortable ni sûr… mais il dispose de quatre roues, de portières qui s’ouvrent (parfois) et surtout d’une endurance à toute épreuve.

Un jour peut-être, je vous raconterai comment Barbapoux parvenait à conduire cette fourgonnette avec une seule vitesse opérationnelle (la troisième, je crois)… ou bien les autres voyages en sa compagnie à bord d’autres engins tout aussi approximatifs. Soyez sages !

Laurent Bunnik

RETOURPAGE PRECEDENTE

RETOURMENU ARCHIVES CLOU-MAGAZINE

RETOURMENU PRINCIPAL

POUR ME DONNER VOTRE AVIS, VOS SUGGESTIONS, VOS REACTIONS, OU POUR NOUS FAIRE PARTAGER VOS PROPRES AVENTURES, CLIQUEZ ICI !
POUR ME DONNER VOTRE AVIS, VOS SUGGESTIONS, VOS REACTIONS, CLIQUEZ ICI !

Tous les textes de CLOU-MAGAZINE sont sous copyright de Laurent Bunnik et ne peuvent être reproduits sans l accord de son auteur (Au cas où cela intéresserait quelqu un !).